La mort à l'affut

La guerre ne laisse jamais de repos, insidieuse, rampante, elle frappe au coeur à tout moment, notamment pour monsieur Cottin Antoine qui fut tué par l'explosion d'un obus le 7 mai 1916 à Manoncourt, alors qu'il était certainement attablé avec d'autres soldats, comme le témoigne l'extrait du JMO du 22 RI ci dessous.


Le bois étoilé, 3 hectares environ

Certaines recherches, pour retrouver les lieux de décès de poilus Isérois furent difficiles et longues, comme pour ces trois hommes ci-dessous qui sont morts au combat du bois étoilé près d'Herleville dans la Somme. Il arrive donc que certains lieux insignifiants, quelques hectares au milieu des immenses plaines de la Somme, comme le bois étoilé rebaptisé le bois à fames, représentent un grand intérêt stratégique. C'est donc aux alentours de ces quelques arbres que le front se stabilisa et changea au cours de la guerre plusieurs fois d'occupant. Ce petit bois est aujourd'hui traversé par une autoroute, sous laquelle un grand nombre de disparus reposent toujours.


Le front oriental, par delà les mers

Journal de guerre de Gustave Bertrand,  Seddul Bahr, Turquie, le 5 juin 1915.

 

 

5 juin – Toute la nuit un détachement du génie a travaillé à coté de nous à ouvrir une sape pour réunir deux éléments de la position, il fait jour et ce n’est pas terminé. Le gradé responsable, sergent du génie, veut achever d’urgence malgré les Turcs qui prennent le boyau où ils travaillent en enfilade car il en a assez d’être là ! Je lui exprime ma façon de penser mais sans résultat.

Plusieurs de ces hommes sont touchés, l’un d’entre eux a reçu une balle explosive qui lui est entrée dans la nuque et est sorti dans la joue. Il râle, au milieu des sanglots entrecoupés de hoquets de sang il appelle « maman, maman ! » puis un prénom de femme, épouse ou fiancée ? Finalement, c’est moi qui leur donne l’ordre d’arrêter et de venir nous rejoindre dans notre tranchée.

16 heures, jusqu’à présent journée tranquille, mais la peur plane partout, deux de mes hommes sont couchés par terre et grelottent de frousse ; tout à l’heure j’ai commandé baïonnette au canon mais il n’y a pas eu besoin de franchir le parapet.

8 heures, message du commandant de compagnie : « quelles pertes en vingt quatre heures » ? Réponse : « un tué et un blessé ». Par retour, nouveau message : « avec de si faibles pertes vous pouvez rester encore un peu, tenez-vous prêts pour demain matin 4 heures où on viendra vous relever ».

 

Message mal accueilli par la section, nous ne devions rester que vingt quatre heures ! Et toujours rien à se mettre sous la dent, que les conserves trouvées dans les musettes des morts. Il est toujours interdit de toucher aux vivres de réserves.

Encore un message : « si vous voulez la soupe et les vivres, venez les chercher ». Je suis furieux, mon message : « Je ne sacrifie pas des hommes pour une gamelle de soupe, il y a une section en soutien qui d’ailleurs devrait être à notre place et qui est préposée aux corvées, à elle de se dégager. Si dans une demi-heure nous n’avons rien reçu je donne l’ordre de consommer les vivres de réserves, nous n’en pouvons plus ». Finalement tout arrive, sauf vin et café car leur porteur a été blessé, les cuistôts eux sont fin saouls !

Nuit dure, poursuite du dégagement de la tranchée, vis à vis de l’ennemi impossible d’utiliser des fusées éclairantes car des légionnaires travaillent dans le ravin à coté, alors feux de salves périodiques. A minuit arrivée de deux caisses de chaux pour assainir le Fortin, cela fait à peine une poignée pour chaque corps !


Asphyxie, mont vidaigne - belgique

JMO du 23 RI, journées du 17 et 18 mai 1918.

 

"Journée très active. Recrudescence marquée des 2 artilleries dans la soirée et dans la nuit, sans action d’infanterie. Vers 21h50 tir très violent de nos batteries, qui se prolonge pendant près d’une heure. L’ennemi envoie des obus toxiques à toute heure de la journée, les points les plus particulièrement battus sont le Mont Vidaigne, le col et les pentes du Mont Rouge. 

Vers 20h, un tir très dur à obus spéciaux se déclenche, enveloppant tout le sous secteur du Mont Vidaigne.

 

Le 18 à 5h nouveau tir à obus toxiques, créant une nappe de gaz dans la coulée qui sépare les bataillons de ligne du 23 et du 128.

Vers 1h, un avion allemand franchit nos lignes et laisse tomber 5 bombes dans la région de Westoutre".