Le linge, la ligne macabre des Vosges

Le massif du Linge est constitué par un chainon montagneux parallèle à la crête principale des Vosges. Son altitude moyenne varie entre 900 et 1100 m. Du nord au sud se succèdent le Lingekopf, le collet du Linge, le Schratzmännelé, la Courtine, le Barrenkopf et enfin le Kleinkopf. C’est ici sur une distance d’environ 3 km que s’est déroulée du 20 juillet au 16 octobre 1915 la bataille du Linge. Le paysage de montagne s’est alors mué en champ de désolation. De ce lieu bucolique, les hommes ont fait un enfer où se sont brisés la vie de trop nombreux soldats français et allemands, dont plus de 6000 d’entre eux ne reviendront pas.


Verdun, mère des batailles

300 jours,

163000 français tués ou disparus,

143000 allemands tué ou disparus,

406000 blessés français et allemands,

60 000 000 d'obus tirés par les 2 camps,

1 tonne d'explosif au m2,

Verdun mère des batailles ?

Non, la bataille de Verdun est devenue folle, une bataille d'orgueil entre les dirigeants des 2 camps, d'égo et de prestige, inacceptable. Une guerre industrielle, méthodique, qui échappe à tout contrôle, ou la technologie prend le pas sur l'homme et le broie, comme une pompe aspirante du sang des soldats.

Des forces équivalentes se font face, 200000 français contre 200000 allemands, toujours alimentées par la chair de l'arrière.

A Verdun le bombardement ne cesse jamais, car l'ennemi ne doit pas se ressaisir, on y meurt tout le temps sans que personne ne s'en aperçoive, le plus souvent sans gloire.

Au mois de mai, alors que partout ailleurs renait la végétation, les hommes se trainent dans un paysage martyrisé, hors du temps, imbibé de poudre, de sang, d'excréments et de chair humaine.

Français comme allemands sont devenus des machines, ils se battent par routine, par devoir, parce qu'ils n'ont pas le choix.

Verdun, c'est la pulsion de mort ou tous se précipitent.


Lorette, Souchez, Noulette, dernières vigies avant Arras

De par sa situation, entre les collines de Lorette au nord et de Vimy à l'est, Souchez est située au cœur des bataille de l'Artois de la première guerre mondiale. Dès le 5 octobre 1914, les allemands prennent possession de la colline de Lorette et occupent la base occidentale de la crête de Vimy ; Souchez est alors située zone allemande et le reste une année durant.L'offensive des armées britanniques et françaises du printemps et de l’automne 1915, pour reprendre les hauteurs des collines, entrainent la destruction totale de la ville.

«  Soudain, derrière un boqueteau sinistre dont les arbres étêtés par la mitraille raturent le ciel comme une armée de grotesques manches à balais, Souchez nous apparaît... Le paysage est si hideux, si hors nature que je me demande si je ne rêve pas : c'est une vision d'infernal cauchemar, le lugubre décor de quelque conte fantastique d'Edgar Poë.

Ce ne sont pas des ruines : il n'y a plus de mur, plus de rue, plus de forme. Tout a été pulvérisé, nivelé par le pilon. Souchez n'est plus qu'une dégoûtante bouillie de bois, de pierres, d'ossements, concassés et pétris dans la boue. Comme sur la mer après un naufrage, quelques épaves gisent éparses sur un tapis de boue luisante. Ces décombres puent la mort. Lorsque Souchez cessa d'être le théâtre d'une guérilla journalière, l'eau acheva l'œuvre du feu : la petite rivière, qui certains soirs coula rouge, se révolta et, sortant de son lit, s'efforça de submerger les décombres.

Quelques flots de ruines émergent seuls de la boue ; néanmoins les obus ennemis s'acharnent à fouiller sans pitié les entrailles du bourg assassiné... »

— Jean Galtier-Boissière, Un hiver à Souchez (1915-1916)

 

Henri Barbusse, dans son roman le feu, offre une description similaire de Souchez rasé :

«  Souchez a disparu. Jamais je n’ai vu une pareille disparition de village. Ablain-Saint-Nazaire et Carency gardent encore une forme de localité, avec leurs maisons défoncées et tronquées, leurs cours comblées de plâtras et de tuiles. Ici, dans le cadre des arbres massacrés — qui nous entourent, au milieu du brouillard, d’un spectre de décor — plus rien n’a de forme : il n’y a pas même un pan de mur, de grille, de portail, qui soit dressé, et on est étonné de constater qu’à travers l’enchevêtrement de poutres, de pierres et de ferraille, sont des pavés : c’était ici, une rue !

On dirait un terrain vague et sale, marécageux, à proximité d’une ville, et sur lequel celle-ci aurait déversé pendant des années régulièrement, sans laisser de place vide, ses décombres, ses gravats, ses matériaux de démolitions et ses vieux ustensiles : une couche uniforme d’ordures et de débris parmi laquelle on plonge et l’on avance avec beaucoup de difficulté, de lenteur. Le bombardement a tellement modifié les choses qu’il a détourné le cours du ruisseau du moulin et que le ruisseau court au hasard et forme un étang sur les restes de la petite place où il y avait la croix.  »

— Henri Barbusse, Le Feu