Projet photographique soldats inconnus … retrouvons la mémoire


 

« Soldats inconnus ... retrouvons la mémoire » est un projet photographique sur la première guerre mondiale. Porté par l’association Autochtones et conçu par le photographe Stéphane Brouchoud, ce travail de mémoire a été labellisé en mars 2016 par la mission centenaire sur la guerre 14-18 au niveau national. 

 

 

 

C’est grâce à un travail mémoriel, présenté sous forme de diptyque qui met en regard 2 photographies : celle d’un soldat et de son lieu de décès. Contraste saisissant d’une photographie de paysage confrontée à l’image d’un médaillon presque effacée, le visage d’un homme tombé au combat 100 ans plus tôt. J’ai ressenti la nécessité de découvrir qui étaient ces hommes en me plongeant dans les archives civiles et militaires, je voulais connaître leurs histoires et découvrir leurs «paysages linceuls».

 

Commencé en 2015, je pensais qu’en 2018, à la fin des commémorations, en avoir terminé avec ce projet, et pourtant lors de mes déplacements, j’ai continué à chercher ces visages dans les cimetières de France. J’ai visité à peu près 500 cimetières et photographié plus de 700 portraits. Le passage des ans efface ces visages et donne à ces portraits une fragilité qui questionne notre rapport au temps, à la mémoire, à notre propre mémoire personnelle. Parfois la rouille barre le portrait de trainées couleur sang, quelquefois la céramique a éclaté à la manière d’un impact de balle. Plus de cent ans que cela dure, plus de cent ans que les éléments s’acharnent sur le visage de nos aïeux : ce sont les ultimes témoignages d’une génération qui s’évapore, fini le temps des bombes, fini le temps des regrets, oublié la blancheur des os, bienvenu dans l’inconnu.

Nous sommes des «machines à oublier», il faut témoigner pour préserver le souvenir. Rendre hommage à cette génération sacrifiée, conserver le souvenir de ces hommes en leur redonnant une identité visuelle, une réalité, tels sont les buts du projet. Chaque visage photographié est une tragédie dans la tragédie et ce sont des milliers de destins qui se sont liquéfiés dans la masse confuse de l’histoire.

Le 10 juin 2016, je suis de passage au cimetière d’Izeaux en Isère, pour refaire le portrait de Justin Marchand qui ne me plait pas. Je connais l’emplacement de sa tombe et trouve la place nette, débarrassée de la vieille croix en ferraille et du portrait qui y était accroché : des graviers blancs à la place reflètent désormais l’écume des jours. Justin, tu n’es pas mort glorieusement, tu es mort à 26 ans de maladie pendant la guerre, pauvre piou-piou, pauvre vie insignifiante, désormais le passant ne s’arrêtera plus devant ton portrait, bienvenu dans l’inconnu…

 

 

Stéphane Brouchoud



Auguste ACHARD

Né à Roussillon le 2 mai 1895, où il exerce le métier de maçon, Auguste intègre l’armée en décembre 1914 comme soldat de deuxième classe. Passé au 23ème  Régiment d’Infanterie en septembre 1916, il est  gazé le 17 mai 1918 après un bombardement ennemi sur le mont Vidaigne en Belgique. Il décède 3 semaines plus tard des suites de ses blessures le 5 juin 1918 à l’hôpital temporaire de Berck-Plage.

Il fut cité à l’ordre du régiment comme «bon mitrailleur, en assurant dans le secteur de Verdun dans des circonstances très dures le service de sa pièce sous des bombardements violents particulièrement dans la journée du 19 novembre 1916. Croix de guerre, étoile de bronze.»

Il avait 23 ans.


Etienne RIGOUDY 

 

Etienne, né le 7 octobre 1887 au Grand-Lemps, est un cultivateur de taille moyenne aux yeux bleus, il fait son service militaire en 1908. Rappelé au début de la guerre, il passe successivement dans les rangs de plusieurs bataillons de chasseurs à pied. Il est blessé à Curlu dans la Somme le 20 juillet 1916 par des éclats d’obus à la main gauche et au visage, et intègre par la suite le 17ème  Bataillon de Chasseurs à Pied en février 1918. Il est tué à l’ennemi le 4 septembre 1918 sur le champ de bataille de Bagneux dans l’Aisne. 

Il fut cité à l’ordre du Bataillon, «le 21 juillet 1916 en prenant part à des travaux d’organisation de la position conquise, a été blessé en faisant courageusement son devoir”

Il avait 31 ans. 

 


Fernand MORFIN 

 

Fernand voit le jour à Saint-Hilaire-de-la-Côte le 29 décembre 1897, blond, de petite taille, il travaille comme cultivateur quand il part au service militaire en 1915. Ajourné dans un premier temps pour faiblesse, il est finalement incorporé en août 1916 dans le 99ème Régiment d’Infanterie. Après avoir connu les champs de bataille de Verdun et du Chemin des Dames, son régiment est envoyé en Belgique pour empêcher l’avancée allemande vers Calais. Le 25 avril 1918 à 2h30, les Allemands attaquent les pentes ouest du mont Kemmel, avec un bombardement féroce d’obus toxiques. C’est à cet endroit que Fernand disparait, sur cette petite butte de 156 m d’altitude, lieu de tant de combats meurtriers. Il repose toujours en Belgique aux pieds de ces arbres aujourd’hui centenaires.

Il avait 21 ans.

 


Marius DEFRANCE

 

Marius nait à Chélieu le 24 octobre 1897. Il quitte son foyer et son activité de cultivateur pour partir au front alors qu’il vient d’avoir 19 ans. Arrivé début janvier 1916 au 23ème Régiment d’Infanterie, il découvre après un temps d’instruction, les affres de la Somme. Sorti vivant du massacre, il est envoyé devant Berméricourt dans la Marne où les Allemands harcèlent constamment les premières lignes françaises. Le 10 mai 1917, le régiment endure un violent bombardement qui cause l’effondrement d’un abri sous lequel seize hommes, sont ensevelis… Marius fait partie du lot.

 

Il n’avait pas encore 20 ans.


Julien GAGNOUD

 

Né le 9 août 1895 à Montcarra, menuisier dans son village, petit de taille, châtain aux yeux marron, il est intégré aux armées le 15 décembre 1914 dans le 158ème Régiment d’Infanterie, alors que les hommes s’étaient déjà enterrés sur tout le front. Nommé caporal en juillet 1915, il se bat dans les Flandres et l’Artois. C’est au cours de la deuxième bataille d’Artois en septembre 1915, qui consistait à rompre le front ennemi au sud-ouest de Lens, que Julien perd la vie le 26 septembre 1915, après avoir tenté vainement de reprendre le «bois en Hache» devant Angres dans le Pas-de-Calais, ce jour-là, 66 autres de ses camarades sont tués.

Il avait 20 ans.

 


Moïse JURY

 

Né le 9 février 1880 à Sonnay, cultivateur à Bougé-Chambalud, il effectue son service militaire en 1903. Mobilisé au début du conflit dans le 99ème Régiment d’Infanterie, il arrive le 12 août 1914 avec son régiment sur le front des Vosges et entend pour la première fois le son du canon. Après s’être battu dans le département du Bas-Rhin pour empêcher l’avancée allemande, il est tué un mois plus tard, le 13 septembre 1914, lors d’un bombardement ennemi sur le col des Raids entre Saint-Jean-d’Ormont et Saint-Dié-des-Vosges dans le Bas-Rhin , son corps n’a jamais été retrouvé.

Il avait 34 ans. 

 


Marius GRANGE

 

Marius est né à Chonas-l’Amballan le 5 juin 1890 ; il laisse en octobre 1911 son métier de cultivateur pour aller faire son service militaire et part au Maroc. Revenu dans ses foyers en 1913, il est rappelé lors de la mobilisation générale et intègre le 54ème Bataillon de Chasseurs Alpins, puis débarque dans les Vosges. Le 29 septembre 1914, le bataillon arrive à Hénin-sur-Cojeul dans le Pas-de-Calais, au milieu des ruines du village dévorées par l’incendie, en face d’une brigade ennemie pourvue d’une artillerie puissante. Après plusieurs jours de combat, le 54ème  BCA complètement cerné reçoit l’ordre d’évacuer, laissant 330 hommes sur ces terres brûlées, dont Marius, tué le 4 octobre 1914.

Il avait 24 ans. 

 


CHAMPELET Eugène,

 

Eugène est né à Sablons le 8 mars 1895 ; petit, châtain, il est intégré dans le 30ème régiment d’Infanterie et rejoint en décembre 1914 les tranchées gluantes de la Somme. Passé ensuite par la Champagne et l’Alsace, il se retrouve avec son régiment en mars 1916 dans le secteur de Verdun afin d’empêcher l’ennemi de prendre la ville par le Sud. Il neige sur les pentes du fort Saint-Michel ce 10 mars 1916, quand Eugène est touché par des éclats d’obus. Mortellement blessé par plaie pénétrante au crâne, à la cuisse gauche et à l’oreille droite, il meurt à l’ambulance de Monthavions dans la Meuse.

 

Il avait 21 ans.